Pharmacie à l'hôpital Umdawanban dans l'État de Khartoum. MSF, en collaboration avec le ministère de la Santé, soutient l'hôpital depuis juin 2023. © MSF
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Les mains guérisseuses du Soudan : le récit d'un médecin soudanais

Le vendredi 16 février 2024

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Le Dr Mohammad Bashir travaille avec MSF depuis plusieurs années. Il supervise les activités médicales dans les hôpitaux Umdawnban et Alban Aljadeed dans l'État de Khartoum qui ont été soutenus par MSF depuis juillet-août 2023. © MSF

Avant le 15 avril de l'année dernière, je n'aurais jamais imaginé me retrouver à Khartoum, la capitale de notre pays, à travailler dans une zone de conflit.

Je suis un médecin soudanais et je travaille avec MSF depuis plusieurs années. Mais je n'ai jamais rien vu de tel que les souffrances endurées quotidiennement par les habitants de mon pays. Ce conflit est dévastateur. Plus de 7 millions de personnes sont déplacées au Soudan et dans les pays voisins pour y échapper. Les gens ont fui la violence et beaucoup se retrouvent presque sans ressources dans des camps informels.

Comme tant d'autres, le conflit ne nous a pas épargnés, moi et mes proches.

Dr Mohammad Bashir, coordinateur médical adjoint de MSF au Soudan.

 

Effondrement 

Le Soudan est depuis longtemps confronté à un système de santé fragile, et le conflit en cours l'a fait s'effondrer. Ces derniers mois, j'ai soutenu les équipes de MSF dans deux hôpitaux de l'État de Khartoum et un autre dans le camp de réfugiés d'Um Rakuba, dans l'est du pays. Lorsque l'on évoque les besoins médicaux dans un conflit, on pense souvent aux personnes blessées par des bombes ou des balles. Mais j'ai également constaté un nombre croissant d'urgences médicales causées par des complications liées à des maladies chroniques non traitées. Des personnes qui ont réussi à gérer leur diabète ou leur asthme pendant des années sont maintenant incapables de trouver les médicaments dont elles ont besoin pour vivre. 

Les besoins en matière de soins de maternité sont également criants, en particulier pour les femmes enceintes qui doivent subir des césariennes ou des accouchements d'urgence. C'est pourquoi à Umdawnban, l'un des hôpitaux que j'ai couverts, notre équipe a soutenu l'équipe de la maternité, participant à plus de 1 500 accouchements depuis juillet dernier. Mais dans tout le pays, de nombreux services de maternité ne fonctionnent pas régulièrement, laissant les femmes enceintes confrontées à des complications potentiellement mortelles, sans accès aux soins obstétriques d'urgence. Et lorsque les services de santé sont disponibles, la qualité des soins reste préoccupante.

En juin, en collaboration avec le ministère de la Santé, l'équipe MSF a commencé à soutenir l'hôpital Umdawanban dans l'État de Khartoum, afin d'améliorer les services de santé pour les communautés. © MSF

Il faut en faire plus

En tant que citoyen et médecin, je ressens une profonde inquiétude lorsque je considère les besoins croissants en matière de santé dans mon pays. Certains de ces besoins sont antérieurs au conflit, mais tous sont aggravés par celui-ci. Le Soudan a un passé troublé d'épidémies telles que la rougeole et la méningite. Ces maladies très contagieuses peuvent être évitées grâce à la vaccination, mais sans cette protection elles peuvent être fatales, en particulier chez les jeunes enfants. Ces derniers sont particulièrement exposés à la malnutrition, qui affaiblit le système immunitaire.

Avec l'effondrement du système de santé et les centaines de milliers de personnes qui ont fui la violence et vivent souvent dans des camps de fortune surpeuplés, les programmes de vaccination à grande échelle et le soutien nutritionnel sont plus que cruciaux - ils sont une bouée de sauvetage potentielle.

La détermination

Au Soudan, la plupart des régions où MSF intervient restent des zones de combat actives. Cela rend notre travail incroyablement difficile et dangereux, mais cela nous rend aussi plus déterminés.

La détermination que je mentionne ici ne vient pas seulement de MSF ; elle s'étend aux communautés qui s'unissent pour se soutenir mutuellement. Par exemple, dans le camp d'Um Rakuba, à l'est du Soudan, MSF fournit des soins humanitaires à des milliers de personnes qui vivent dans le camp de réfugiés et aux alentours. Lorsque le conflit a éclaté, on ne savait pas s'il serait possible de poursuivre notre aide dans ce camp, mais grâce à la détermination d'une équipe de base, il n'y a pas eu de rupture de service. L'année dernière, nous avons dispensé 40 000 consultations médicales aux réfugiés ainsi qu'à la communauté d'accueil et aidé 507 femmes à accoucher en toute sécurité. Notre détermination se partage : à Um Rakuba, j'ai pu constater de visu le rôle important joué par les bénévoles locaux et les sages-femmes communautaires.

En juin, en collaboration avec le ministère de la Santé, l'équipe MSF a commencé à soutenir l'hôpital Umdawanban dans l'État de Khartoum, afin d'améliorer les services de santé pour les communautés. © MSF

La détermination ne suffit pas

Mais parfois, la détermination ne suffit pas. Mon serment sacré en tant que médecin est de faire tout ce que je peux pour les personnes qui ont besoin de soins médicaux. Et dans mon rôle de coordinateur médical adjoint de MSF, cela signifie non seulement traiter des patients individuels, mais aussi coordonner les soins à plus grande échelle, en veillant à ce que le personnel et les fournitures se trouvent là où ils sont le plus nécessaires.

Mais comment maintenir mon engagement dans une situation où les ressources et les mains secourables sont entravées et exposées à des dangers ? Cette question résonne dans mes pensées jour et nuit.

Il est crucial que toutes les parties à ce conflit reconnaissent le seul objectif de MSF : offrir des soins médicaux aux plus vulnérables, gratuitement. Cette reconnaissance est une question de vie ou de mort. Nous avons besoin d'un accès et d'une protection pour nos équipes et notre matériel autant que pour les patients, pas demain, mais maintenant. Les vies que nous nous efforçons de sauver en dépendent.

Une partie de moi

Mon travail au Soudan, mon pays, n'est pas seulement un travail ; il fait partie de mon humanité. Et mon devoir éthique est que, comme mes collègues de MSF, je fasse tout ce qui est en mon pouvoir pour soulager la souffrance face aux conflits. 

Et je reste dévoué à cette cause. » 

Dr Mohammad Bashir, coordinateur médical adjoint de MSF au Soudan.

 

En juin 2023, en collaboration avec le ministère de la Santé, l'équipe MSF a commencé à soutenir l'hôpital d'Umdawanban dans l'État de Khartoum, afin d'améliorer les services de santé pour les communautés. Nos équipes travaillent à l'amélioration des services essentiels de pédiatrie, de nutrition et de maternité. © MSF

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