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Guinée, Libéria, Sierra Leone

Ebola : les résultats de neuf mois de recherche opérationnelle

Recherche opérationnelle 
Dès septembre 2014, MSF a commencé à publier des études décrivant différents aspects de son intervention contre Ebola, dont les résultats ont amené à d'importantes recommandations pour les interventions Ebola en général.

    Le vendredi 29 mai MSF organise la Journée de Recherche Opérationnelle à Bruxelles, dont l’après-midi sera consacré aux recherches sur les programmes Ebola. Les présentations et débats aborderont entre autre la prise en charge médicale, la perception communautaire, le suivi des personnes ayant survécu à Ebola, et le contrôle de la chaîne d’infection. Pour voir le programme ou suivre les discussions en direct, cliquez ici.

    LES PRINCIPAUX RÉSULTATS

    1. Prise en charge médicale

    Tous les groupes d'âge et tous les niveaux de société étaient susceptibles d’être infectés. Les seuls facteurs identifiés aggravant le risque de décès étaient l'âge (les jeunes et les personnes âgées) et une charge virale élevée.

    Les patientes enceintes atteintes d’Ebola nécessitent une attention particulière. La survie de plus de trente femmes enceintes a été documentée dans cette épidémie, contrastant avec les épidémies d’Ebola précédentes dans lesquelles presque aucune femme enceinte infectée n’avait survécu. Cependant, la plupart des grossesses se sont terminées avec des mort-nés, et aucun nouveau-né de femmes guéries d’Ebola n’a survécu plus de deux jours.

    MSF a trouvé que le fœtus, le liquide amniotique, le lait maternel et le placenta restent infectieux jusqu’à un mois après la guérison de la mère. En outre, une patiente enceinte a été testée positive au virus Ebola avant l'apparition des symptômes. Ces informations ont permises de déduire diverses implications importantes dans le contrôle de l'infection :

    • des tests de grossesse doivent être offerts aux patientes d’Ebola en âge de procréer
    • l'interruption de grossesse devrait être proposée aux patientes enceintes
    • toutes les femmes enceintes survivantes d’Ebola devraient accoucher dans un centre de prise en charge d’Ebola (CPE) avec des mesures de sécurité adaptées
    • l'allaitement maternel parmi les survivantes devrait être découragé
    • le message général de «il n’y a pas d’infection tant qu’il n’y a pas de symptômes » doit être utilisé avec prudence, en particulier auprès des femmes enceintes.

    À Kailahun en Sierra Leone, MSF a observé que la plupart des patients sont arrivés aux centres en moyenne cinq jours après l'apparition des symptômes, ce qui a probablement été un vecteur de l'épidémie dans le district. En moyenne, la moitié de nos patients n'ont pas survécu à Ebola. Cependant, la mortalité a fortement varié au fil du temps dans les centres de traitement, nécessitant une étude plus approfondie.

    Publications disponibles (EN):

        - Ebola virus disease in West Africa – clinical manifestations and management
        - Ebola outbreak in rural West Africa: epidemiology, clinical features and outcomes
        - The contribution of Ebola viral load at admission and other patient characteristics to mortality in a Médecins Sans Frontières (MSF) Ebola Case Management Centre (CMC), Kailahun, Sierra Leone, June –October, 2014
        - Patient characteristics and risk of mortality in the MSF Ebola Management Centres (EMCs) during the West African Ebola outbreak - Preliminary Analysis
        - Blood, birthing and body fluids: Delivering and staying alive in an Ebola Management Centre
        - Management of pregnant women infected with Ebola virus in a treatment centre in Guinea, June 2014
        - Lactating mothers infected with Ebola virus: EBOV RT-PCR of blood only may be insufficient

    2. Les personnes ayant survécu à Ebola

    MSF a évalué l’impact de la maladie sur la santé mentale des survivants d’Ebola dans les centres à Kailahun et ELWA 3 à Monrovia. Les conséquences psychologiques étaient considérables  chez ces personnes, et elles ont souvent décrit la stigmatisation dans leur communauté. Leurs réactions de stress post-traumatique ressemblaient fortement à celles des survivants de guerre ou de catastrophes naturelles. Les survivants à Monrovia se sont retrouvés pris entre deux identités : présentés comme les «héros» par les organisations humanitaires, et en même temps faisant face à la stigmatisation et à la peur de leur communauté.

    Les survivants masculins en particulier subissaient la colère et la discrimination, basées sur la crainte qu'ils pourraient encore transmettre Ebola par les rapports sexuels. Un seul cas a été identifié à Monrovia, qui évoque une infection par des rapports sexuels avec un survivant cinq mois après sa sortie du CPE. Ce cas a amené plusieurs recommandations de santé publique, et a souligné la nécessité d'une communication claire concernant les survivants d’Ebola, ainsi que d’une assistance continue à ces personnes, leurs familles et les communautés à travers les actions de sensibilisation et le soutien aux associations de survivants.

    Finalement, environ un tiers des suspects d'Ebola admis dans un CPE ont été testés négatif et sont retournés chez eux; certains d'entre eux reviennent ensuite et sont alors testés positif. A Kailahun, MSF a évalué si ces réadmissions pouvaient être dues à une exposition au virus lors de leur première visite dans le centre de traitement. Il a été démontré que tous les patients réadmis avaient été exposés à un risque élevé d'infection en dehors du CPE, ce qui suggère que la zone d’attente du centre n’était probablement pas la source d'infection pour ces patients.

    Publications disponibles (EN) :

        - Describing readmissions to an Ebola case management centre, Sierra Leone, 2014
        - Post-traumatic stress reactions in Ebola patient survivors in Sierra Leone
        - What Does It Mean To Be A Survivor? The Identity and Stigmatisation of Ebola Survivors in Monrovia, Liberia
        - Possible Sexual Transmission of Ebola Virus — Liberia, 2015

    3. La perception communautaire

    Les perceptions communautaires des interventions de MSF et des autres réponses à l’épidémie sont cruciales pour leur succès.

    Des recherches anthropologiques au Libéria ont montré la perturbation totale des réseaux sociaux et des liens familiaux. La décision autoritaire de la crémation obligatoire pour tous les décès liés à Ebola dans ce pays a nourri un sentiment de méfiance et d'abandon au sein des communautés. De même, la mise en quarantaine forcée des ménages et des individus, combinée à une mauvaise gestion du soutien (allocation de nourriture, suivi de l’état de santé, etc.) a creusé un fossé entre les organisations humanitaires et la population. En général, la nature forcée de ces mesures a réduit leur efficacité, menant fréquemment à des enterrements dangereux organisés illégalement ou au non respect de la quarantaine. Il est crucial pour une intervention contre le virus Ebola de rétablir la transparence, la confiance et l'entraide des communautés.



    Les perceptions d’ELWA 3 ont changé au fil du temps. L’opposition et la peur ont d’abord été observées auprès des communautés en raison des risques d’infection. Par la suite, ils ont perçu l’avantage d'avoir un centre à proximité qui offre des soins et du soutien, comme une ressource dont la communauté peut bénéficier. L’engagement continu avec la communauté locale et des CPE transparents sont indispensables pour établir une relation de confiance.

    Enfin, MSF a évalué la perception des essais de traitements thérapeutiques et a trouvé une acceptabilité élevée de ces derniers, ainsi que des nouveaux médicaments au sein  des communautés. Une communication claire, transparente et directe dès le départ a été considérée comme essentielle pour engager et autonomiser la population locale, et pour minimiser les rumeurs qui pourraient avoir un effet préjudiciable sur l'acceptation des essais.

    Publications disponibles (EN) :

       - State-enforced Ebola containment measures in Liberia: a view from the communities

    4. La chaîne d'infection dans la communauté et le triage dans les centres de prise en charge Ebola

    Dans le district de Bo, en Sierra Leone, la préparation de la réponse à Ebola a commencé avant l’arrivée du premier cas, mais le contrôle de la situation a été rapidement perdu en raison de l'ampleur de l'épidémie et de la pénurie de ressources humaines. Les funérailles dangereuses, le risque d’infection dans les hôpitaux et les contacts familiaux ont été identifiés comme les principaux vecteurs de l'épidémie dès le début. Toutefois, le suivi documenté de la chaîne de transmission est devenu rare avec la perte de contrôle de l'épidémie.

    Les stratégies recommandées pour réduire les risques d’infections dans les hôpitaux sont : l’hébergement des patients dans des chambres simples au lieu des salles d’hôpitaux et le regroupement des patients attendant leur test à cause de leur risque d’infection.

    Publications disponibles (EN) :

        - Emergence of Zaire Ebola Virus Disease in Guinea
        - Is there added value in separating admitted Ebola patients into suspect and highly suspect wards pending laboratory confirmation?