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Burundi. Bujumbura. Kigobe.

Burundi

« Ici, pour les enfants, dépasser l’âge de cinq ans est déjà un défi »

Shemsu, âgée de trois ans, a été soignée dans le centre de traitement du choléra soutenu par MSF à Bujumbura. Burundi, novembre 2019. © Evrard Ngendakumana/MSF
Témoignages 
Wilma van den Boogaard est membre de l’équipe LuxOR. Le 7 novembre dernier, elle a rejoint le Burundi afin d’effectuer une mission de deux mois en tant que coordinatrice médicale pour les projets que mène MSF dans le pays.
    Quelle est la situation au Burundi, notamment en ce qui concerne le système de santé ?

    Aujourd’hui, près de 70% des Burundais vit sous le seuil de pauvreté. C’est, en fait, l’un des plus gros problèmes pour accéder à des soins : des centres de santé existent, même s’ils sont parfois éloignés, mais la plupart des gens ne peuvent pas payer les actes médicaux. Il leur est déjà difficile de trouver de la nourriture, de quoi se loger, s’habiller… Ainsi, le taux de malnutrition atteint 60% dans le pays*.

    D’autre part, le système de santé est totalement dépendant de l’aide extérieur, et de moins en moins d’ONG sont présentes pour offrir des soins. Les besoins humanitaires sont immenses, c’est pourquoi MSF continue à être sur place.

    Quel est ton rôle en tant que coordinatrice médicale ?

    Je travaille avec une équipe de collègues qui ont chacun un profil différent : ce sont des spécialistes en Watsan (Water & Sanitation), urgences, promotion de la santé, psychologie, etc. Ensemble, nous mettons en place la meilleure stratégie pour répondre aux besoins de la population. Notre volonté est que ces solutions soient intégrées et transversales à nos différents projets dans le pays, en lien avec nos collègues de support (logistique, ressources humaines, finances).

    Quels sont ces projets ?

    Il y a notamment l'Arche de Kigobe, à Bujumbura. C’est un centre médical mis en place par MSF pour soigner les personnes blessées lors des violences qui ont secoué le Burundi en 2015. Aujourd’hui, ce centre sert surtout à prendre en charge les victimes d’accidents et nous allons en transférer bientôt la responsabilité à un hôpital public.

    Nous avons également un projet dans la province de Muyinga pour la prise en charge d’une maladie provoquant des plaies ulcéreuses, qui affecte plusieurs milliers de personnes dans la région, et dont on ne connaît pas l’origine. Nous recherchons donc le pathogène de ces plaies pour mieux les prévenir et les soigner.

    Pour les interventions plus petites et rapides, nous disposons d’une unité d’Eprep (Emergency Preparedness) permettant de répondre à toute urgence épidémique, telle que la rougeole ou le choléra.

    Enfin, nous avons un projet dans deux provinces concernant le paludisme, basé sur trois axes. Un axe clinique avec notamment un appui à trois hôpitaux pour améliorer la prise en charge des formes graves de la maladie ; un axe de prévention et de recherche opérationnelle.

    Peux-tu nous en dire plus sur l’axe préventif ?

    Nous travaillons avec les communautés pour les sensibiliser aux mesures de prévention. Comme le paludisme se transmet via la piqûre d’un moustique porteur de la maladie, nous procédons aussi à des pulvérisations dans les maisons pour tuer ces moustiques, avec un système d’information géographique pour être sûrs d’avoir couvert la zone d’action. Mille personnes sont affectées à cette tâche, c’est un travail énorme ! Notre stratégie est de travailler commune par commune pour offrir la meilleure protection possible. Il nous a fallu 28 jours de travail récemment pour traiter un district de 52 000 maisons.

    Quels sont les défis auxquels tu es confrontée ?

    La pandémie de Covid-19 n’affecte pas tellement la population ici, mais nous devons faire face à ses conséquences. Il est devenu plus difficile de faire acheminer du matériel depuis l’étranger, il y a parfois des ruptures de stock, les coûts ont augmenté, et il a fallu nous adapter à de nouvelles règles sanitaires avec les mises en quarantaine, les mesures de triage, etc. Cela rend le travail quotidien plus difficile.

    Le Burundi a un taux de mortalité infantile parmi les plus élevés au monde. Comment l’expliques-tu ?

    Le paludisme joue un rôle principal dans cette triste réalité. S’y ajoutent d’autres facteurs comme les naissances prématurées, l’anémie, la malnutrition sévère qui font que ces enfants sont très fragiles et qu’il leur est très difficile de grandir dans de bonnes conditions. Sans compter sur des mesures d’hygiène souvent limitées dans les maisons, qui favorisent les diarrhées et les infections respiratoires.

    D’une certaine façon, on peut considérer que parvenir à l’âge de cinq ans dans ce pays fait déjà de vous un survivant.

    *données de l'Institut des Statistiques et d'Etudes Economiques du Burundi, octobre 2017.

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