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Guinée

«MSF est ce que nous en faisons»

Témoignages 
Peter Firmenich - Membre du Conseil d’Administration de MSF Luxembourg
Peter Firmenich s’est rendu à Conakry et Kindia, en Guinée, comme membre du Conseil d’Administration de MSF Luxembourg. Il partage son expérience.

    Quels sont les projets MSF en Guinée ?

    En Guinée, MSF travaille pour un meilleur accès aux services médicaux et au développement de modèles de soins novateurs adaptés au système de santé qui s'était détérioré suite à l'épidémie d'Ebola de 2014-2016.

    En collaboration avec le ministère de la Santé, MSF soutient actuellement 11 000 personnes vivant avec le VIH à Matam, une commune de Conakry. Le projet offre des services de dépistage, de traitement et de suivi du VIH, mais aussi des activités de promotion de la santé dans six centres de santé de la capitale Conakry. Depuis décembre 2016, MSF soutient une clinique de 31 lits à l'hôpital Donka, qui fournit des soins aux malades hospitalisés.

    En 2017, MSF a aussi lancé de nouvelles activités à Kouroussa, dans le nord-est de la Guinée, où le paludisme est très endémique et est la principale cause de mortalité.

    Peux-tu nous parler de l’événement auquel tu as participé sur place ?

    Pour le comprendre, il faut tout reprendre depuis le début. Médecins Sans Frontières (MSF) est une association internationale, fortement influencée par ses membres (anciens et actuels employés) au travers d’une culture de questionnement et de débat. Ces membres se réunissent une fois par an lors des différentes Assemblées Générales (AG) pour discuter des grandes orientations de l’organisation et élire le Conseil d’Administration (CA) qui a pour mission d’atteindre les objectifs fixés par l’association.

    C’est dans le cadre des Assemblées Générales sur le terrain, aussi appelées FADs (Field Associative Debates), que je suis parti. Ces FADs, organisés dans les différentes missions, ont pour but de faire entendre la voix des personnes qui sont au cœur des projets MSF.

    Quel impact ces FADs ont-t-elles sur le terrain ?

    Les FADs sont des moments privilégiés de discussions et d’échanges. C’est une occasion pour les membres et employés de la mission, de débattre, de participer à la prise de décision et d’être porteur de changement pour faire avancer le projet. Les FADs sont donc un réel outil de motivation, mais aussi d’engagement au sein de MSF. Si une problématique se pose et qu’elle repose sur une décision internationale alors une motion ou une recommandation peut-être rédigée et présentée au niveau du Luxembourg et/ou de l’international.

    Les FADs concrétisent le fait qu’être membre, c’est la possibilité de jouer un rôle dans l’élaboration du fonctionnement, de l’identité et de la stratégie de l’organisation. MSF est ce que nous en faisons.

    Quel était ton rôle en tant que membre du Conseil d’Administration ?

    Mon rôle était de faire le lien entre le terrain et notre association basée au Luxembourg, de faire remonter la voix des membres de la mission en Guinée vers notre section. Ce lien est très important pour la pérennité de nos actions et interventions. Les personnes que j’ai rencontrées sur place ont une connaissance approfondie de leur projet et de leur travail. Ce n’est qu’en les écoutant et en défendant leurs intérêts lors des Assemblées Générales que le mouvement MSF pourra avancer de façon équitable et constructive.

    Quels ont été les sujets abordés lors du FAD en Guinée ?

    Trois sujets principaux ont été choisis pour les débats du FAD en Guinée.

    Le premier portait sur la résistance aux antibiotiques, un réel challenge aujourd’hui et pas seulement en Guinée mais dans le monde entier ! Il est urgent de contrôler l’augmentation de ces résistances. MSF en tant qu’organisation internationale, médicale et humanitaire se doit de montrer l’exemple à ce sujet, mais l’enjeu est de taille et des actions doivent être prises sur le long terme. Les solutions évoquées lors de la discussion en Guinée concernaient généralement une prescription raisonnable et raisonnée des antibiotiques, l’élimination des médicaments de contrefaçon et la prévention à travers des mesures d’hygiène plus strictes.

    Le deuxième thème se rapportait aux violences sexuelles en Guinée. Les équipes MSF, dans le cadre du projet VIH à Matam, dispensent aussi des soins aux personnes atteintes de violences sexuelles qui leurs sont référées par le ministère de la Santé, seul habilité à déclarer légalement les cas d’agressions sexuelles. Ce dernier réfère les cas à Matam pour la composante VIH, car la clinique dispose des compétences et des structures adaptées pour cela.

    Cette discussion est une preuve que les FADs peuvent avoir un impact au niveau pratique.

    MSF répond donc à cette problématique sans pour autant faire de promotion spécifique au sein de la communauté. Dans ce débat, il était donc question de l’élargissement éventuel de l’initiative en y ajoutant une composante de sensibilisation dans le quartier. Cette discussion est une preuve que les FADs peuvent avoir un impact au niveau pratique, car à l’issue du débat, il a été décidé que l’extension du projet serait rediscutée et menée par une équipe de volontaires.

    Le dernier point s’intéressait à l’inclusion au sein du mouvement MSF et en Guinée. C’est un thème très large et très sensible. En Guinée, de nombreux expatriés de la République démocratique du Congo, du Mali, du Burundi, de Norvège ou de France travaillent main dans la main avec les locaux pour servir la mission. Ces différences culturelles peuvent parfois être source de frustrations, de malentendus ou même de conflits. Elles sont pourtant à la base de notre fonctionnement, permettant une connaissance approfondie des différents contextes et font la force de notre indépendance. Le respect mutuel est essentiel à la constante évolution de MSF et c'est pourquoi c'était une discussion nécessaire.

    Quel moment t’a le plus marqué durant ces deux jours d’échanges ?

    Lors d’un débat, une personne s’est levée et a précisé qu’elle était une survivante d’Ebola. Il est vrai que la Guinée a été fortement touchée par cette épidémie dévastatrice entre 2014 et 2016 et on oublie souvent les traces que peuvent laisser de tels événements. Cette personne qui travaille encore et toujours pour MSF m’a beaucoup touchée : pour certaines personnes l’engagement n’a pas de limites.

    Photo principale : discussion sur la résistance aux antibiotiques lors du FAD en Guinée, février 2018. © MSF