École de maternité dans la ville d'Aidarken. Kyrgyzstan, février 2019.
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Les femmes maîtresses de leur santé

Le mercredi 17 mars 2021

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Le concept « d'auto-prise en charge » peut paraître étrange pour un médecin et une référente médicale en santé de la femme comme moi. Mais l'auto-prise en charge, ce n'est pas seulement méditer et se détendre au spa. C’est aussi une forme de soin qui se pratique depuis des siècles, et qui connaît actuellement un véritable regain d'intérêt. Si vous avez déjà un jour effectué un test de grossesse à domicile, utilisé une application de suivi de la fécondité ou maîtrisé votre asthme avec un inhalateur, vous avez pratiqué l'auto-prise en charge.

L'auto-prise en charge s'inscrit dans une approche de santé centrée sur le patient, autrement dit dans une prise en charge médicale sensée et valorisante pour eux. À l'heure actuelle, MSF renforce ses soins axés sur le patient afin que les malades et les personnes nécessitant des services de santé se situent vraiment au cœur de notre travail. Comme l'indique l'Organisation mondiale de la santé (OMS), ce modèle de soins octroie aux patients un rôle actif dans leurs interventions de santé, et non celui de simples bénéficiaires de services médicaux.

L'auto-prise en charge permet de proposer des soins de qualité et centrés sur le patient. Elle leur confère les connaissances, l'autonomie et la liberté de choix nécessaires pour accéder à des soins sûrs et efficaces en temps opportun avec le soutien de professionnels de santé qualifiés si, et quand, les patients en ont besoin. Les premières directives de l'OMS relatives à l'auto-prise en charge (2019) pour la santé sexuelle et reproductive (SSR), regroupent la promotion de la santé, la prévention, la maîtrise des maladies et l'automédication ainsi d'autres services impliquant des médicaments, des appareils, des diagnostics et des produits numériques fournis entièrement ou partiellement en dehors des services de santé traditionnels.

MSF a déjà mis en place des initiatives d'auto-prise en charge dans plusieurs de nos programmes de santé sexuelle et reproductive (SSR), notamment un projet de contraception durable et auto-injectable (Sayana PressTM) en République démocratique du Congo et un essai d'auto-prélèvement pour le test du papillomavirus humain dans notre projet de lutte contre le cancer du col de l'utérus au Zimbabwe. Nous profitons de la Journée internationale des femmes, le 8 mars, pour rappeler ce mois-ci, à quel point l'auto-prise en charge est essentielle pour les femmes et les jeunes filles, qui font face à des obstacles importants dans leur accès aux soins.

De manière générale, l'auto-prise en charge favorise l'autonomie des femmes et les aide à reprendre pleinement possession de leur corps.

Dans les zones où les populations sont coupées des structures de santé en raison de l'isolement géographique, de conflits, de la pauvreté ou d'un manque d'infrastructures ou de ressources, l'auto-prise en charge peut aider à répondre à leurs besoins de santé. Pour les femmes qui nécessitent des soins de SSR tels qu'une contraception ou un avortement médicalisé, sources d'importantes stigmatisations, l'auto-prise en charge permet des soins individuels dans l'intimité du domicile.

Elle aide également les femmes victimes de discriminations dans le système de santé traditionnel (en raison de leur état de santé ou de leur identité) à y accéder. De même pour celles qui ont pour habitude de recourir à des soins non médicalisés ou renoncent tout simplement à une prise en charge médicale. De manière générale, l'auto-prise en charge favorise l'autonomie des femmes et les aide à reprendre pleinement possession de leur corps.

L'auto-prise en charge, qui repose sur des méthodes éprouvées, présente un faible risque et permet d'obtenir de bons résultats en matière de santé lorsqu'elle est proposée en parallèle des services de santé traditionnels. Dans certains cas, les femmes privilégieront l'auto-prise en charge même si elles peuvent consulter un professionnel de santé digne de confiance, et cette liberté de choix est essentielle. En tant que personnel médical, il est important que nous identifiions nos préjugés. C'est pourquoi MSF propose des formations à ses collaborateurs pour les aider à intégrer cette méthode aux modèles de soins existants au sein des structures de santé.

Pour être efficace, l'auto-prise en charge doit également être acceptée des communautés. Nos équipes mettent en place des mesures pour favoriser cette acceptabilité, comme par exemple l'intégration des travailleuses du sexe dans nos projets au Malawi. Certaines ont rejoint notre projet pour être formées en tant qu’éducatrices et agentes de santé communautaires: elles informent et sensibilisent les membres de leur profession à la prévention et à l'auto-prise en charge médicale pour un ensemble de problèmes relatifs à la SSR.

Pour que ce type d'approches soient efficaces, nous devons nous adresser directement aux patients afin de connaître l'effet des soins sur eux. MSF vient en aide aux femmes de diverses cultures et origines, et veille à ce que son offre de soins place l'ensemble de ces femmes au centre, y compris les jeunes filles et celles en situation de handicap.

Nous pouvons vraiment placer les femmes au centre de notre offre de soins en leur confiant un rôle plus actif dans la prise de décisions relatives à leur santé et à leur corps.

La COVID-19 a eu un impact dévastateur à travers le monde, mais a également permis de proposer des soins aux populations en recourant à des approches novatrice et axées sur le patient. Les pays à revenu élevé comme le mien, le Canada ou la Nouvelle-Zélande, ont supprimé des réglementations afin d'accroître l'accès aux soins virtuels, à la télémédecine et aux avortements médicalisés. Et en Australie, l'accès à l'avortement par téléconsultation a également été temporairement couvert par l'assurance maladie. L'avortement par automédication, facilité par la mise en place de lignes d'assistance téléphonique, les modèles d'accompagnement à l'avortement (assistance téléphonique par des bénévoles formés) et les services de télé-avortement par Internet − déjà utilisés dans des pays où l'avortement est stigmatisé ou criminalisé − ont permis le maintien de ces soins essentiels pendant la pandémie de COVID-19.

MSF peut être pionnier de la fourniture de soins de qualité et centrés sur le patient pour les femmes vivant dans des contextes de crise, en mettant en place des modèles d'auto-prise en charge facilités par des programmes communautaires et des méthodes numériques telles que la télémédecine, les lignes d'assistance téléphonique, les services par SMS, les applications mobiles, les plateformes web et l'entraide. Nous pouvons vraiment placer les femmes au centre de notre offre de soins en leur confiant un rôle plus actif dans la prise de décisions relatives à leur santé et à leur corps.

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