Un immeuble résidentiel endommagé à Beyrouth. Des milliers de voitures, d'appartements et de magasins de Beyrouth ont été endommagés par l'explosion qui a fait voler en éclats les vitres et les portes en bois.
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« Avons-nous un avenir ? » : Un an après l'explosion de Beyrouth, la situation a beaucoup empiré

Le mardi 3 août 2021

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Fawziyya Al-Sahili se tient dans sa cuisine, au nord-est du Liban, en train de remuer un ragoût de légumes. "Mes voisins m'ont apporté ce repas hier, sinon nous n'aurions pas de légumes frais », dit-elle.

« Nous n'avons pas mangé de viande depuis un an. Avec le salaire de mon fils, nous ne pouvons nous permettre que du pain, des haricots et des lentilles. C'est comme ça que ça se passe maintenant ».

Cette femme de 64 ans souffre d'hypertension artérielle et de diabète, et doit avoir un régime alimentaire sain avec beaucoup de fruits et de légumes. Mais ces aliments sont souvent hors de portée pour elle et sa famille. L'un de ses fils travaille dans un magasin où il gagne 10 000 livres libanaises par jour, soit moins d'un dollar US au taux de change informel d'aujourd'hui. Son autre fils est au chômage. Ils vivent tous les trois dans une maison inachevée qu'ils n'ont pas les moyens d'achever.

Depuis deux ans, elle se rend à la clinique MSF située près de chez elle, dans la ville de Hermel, au nord du Liban, pour des contrôles réguliers et pour récupérer les médicaments et l'insuline dont elle a besoin pour son traitement.

Après l'explosion

Fawziyya et sa famille font partie de la moitié de la population libanaise qui vit désormais dans l'extrême pauvreté. Depuis 2019, ce petit pays situé sur la côte orientale de la Méditerranée a été durement frappé par une crise économique, une inflation croissante, l'instabilité politique et la pandémie de COVID-19.  À tout cela s'est ajoutée l'explosion qui a secoué la capitale, Beyrouth, le 4 août 2020.

L'énorme explosion dans la zone portuaire a eu des effets dévastateurs : près de 200 personnes ont été tuées, plus de 6 000 ont été blessées et des dizaines de milliers ont perdu leur maison. Elle a également détruit un certain nombre d'installations publiques, dont des hôpitaux, et gravement endommagé l'entrepôt central de l'autorité sanitaire, perturbant l'accès aux médicaments, en particulier pour les personnes âgées et les patients atteints de maladies chroniques.

Suite à l'explosion, les équipes MSF ont fait don de kits de premiers secours à la défense civile libanaise et de fournitures médicales et de masques à la Croix-Rouge libanaise. Les équipes MSF présentes sur trois sites - Karantina, Mar Mkhayel et Khandak - ont traité plus de 1 800 patients souffrant de blessures causées par l'explosion et 4 500 patients atteints de maladies chroniques qui avaient besoin d'un soutien médical.

Les équipes MSF ont également fait du porte-à-porte dans les zones touchées pour évaluer les besoins de la population. Elles ont installé des réservoirs d'eau et distribué des kits de purification de l'eau et d'hygiène ; elles ont également renforcé le soutien psychosocial.

Dans les semaines qui ont suivi l'explosion, plusieurs hôpitaux publics étaient presque à pleine capacité en raison du nombre élevé de patients atteints de COVID-19. Les personnes blessées dans l'explosion se sont précipitées dans les hôpitaux sans prendre de mesures préventives, le coronavirus étant le dernier de leurs soucis.

Le nombre de patients atteints du COVID-19 ayant grimpé en flèche, le Liban a été placé en quarantaine pendant plusieurs semaines. Avant même la pandémie, le système de santé publique était régulièrement confronté à des goulets d'étranglement en matière de médicaments et de fournitures médicales en raison de la crise économique. Après la pandémie, la situation a encore empiré.

Fawziyya Al-Sahili avec un travailleur social de MSF

Pénuries de médicaments

Un an après l'explosion de Beyrouth, les besoins de la population en matière d'aide médicale et psychologique sont encore énormes. Dans le même temps, une visite chez le médecin est devenue un luxe pour de nombreuses personnes en raison du coût des soins privés.

« Le système de santé au Liban est fortement privatisé, donc de plus en plus de personnes ne peuvent pas se permettre de prendre des médicaments ou de voir un médecin. Les prix des deux sont jusqu'à cinq fois supérieurs à ce qu'ils étaient auparavant. » Hammoud al-Shall, assistant coordinateur de projet MSF.

Fawziyya avait besoin de médicaments contre la douleur, mais il lui était impossible de mettre la main sur les médicaments les plus basiques, comme le paracétamol. « Je suis tombée et j'ai eu un tel mal de tête", dit-elle. "Je voulais acheter du paracétamol, mais le pharmacien n'en avait pas. Nous avons essayé trois autres pharmacies, mais il était introuvable. Ce médicament n'est plus disponible au Liban ».

De telles pénuries de médicaments sont un défi, même pour des organisations comme MSF. Il est difficile pour les entreprises locales d'importer des médicaments dans le pays, si bien que les équipes MSF importent désormais elles-mêmes les plus essentiels. L'escalade de la crise du carburant a augmenté les coûts de transport, affectant à la fois les stocks de fournitures médicales et les patients qui tentent d'accéder aux soins médicaux.

Un avenir incertain

De nombreuses personnes au Liban - tant les Libanais que les réfugiés - luttent déjà contre le stress et les traumatismes psychologiques liés à la guerre ou au déplacement. Aujourd'hui, la détérioration des conditions de vie constitue un fardeau supplémentaire et a un impact sur leur santé mentale. De nombreux patients qui demandent une aide psychologique à MSF souffrent de dépression, d'anxiété ou de désespoir.

Fawziyya Al-Sahili s'inquiète de l'avenir de sa famille. Elle est particulièrement préoccupée par son fils qui est sans emploi. Il fréquente également la clinique de MSF à Hermel, où il reçoit un soutien psychosocial.

Le repas est maintenant prêt, Fawziyya est assise sur le tapis avec des assiettes de riz, de pain blanc et de ragoût de légumes devant elle. Son anxiété face à l'avenir est omniprésente, mais elle n'a pas encore perdu tout espoir. La solidarité existe parmi les Libanais et elle se sent soutenue par sa communauté - pas seulement par les voisins qui lui apportent de la nourriture, mais aussi par les travailleurs sociaux et les médecins de la clinique MSF où sa famille reçoit gratuitement les soins médicaux et psychosociaux et les médicaments dont elle a besoin.

Fawziyya Al-Sahili dans son salon.
Fawziyya Al-Sahili remuant son ragoût de légumes.

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