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Haïti

«À Tabarre, le flux des patients admis et traités est impressionnant»

Témoignages 
Fernand Marxen - Chirurgien MSF
Pour sa troisième mission, Fernand Marxen, chirurgien luxembourgeois, s’est rendu en Haïti, dans l’hôpital MSF de Tabarre, spécialisé en traumatologie. Il revient sur son expérience du mois de mai à juillet 2017.

    Quel est le contexte actuel en Haïti ?

    L'hôpital N'ap Kenbé de Tabarre, une construction faite de conteneurs, à Port-au-Prince, a été mis en place par MSF en 2011, après le tremblement de terre du  12 janvier 2010. Cet événement avait causé la mort de plus de 200 000 personnes et blessé 300 000 autres, avait provoqué la destruction de 90 % des écoles de Port-au-Prince, 60 % des hôpitaux, 60 % des bâtiments publics et causé un total de 1,3 million réfugiés internes.

    Actuellement la vie a bien repris, Port-au-Prince est redevenue une ville fourmillante de trois millions d'habitants, même si les bâtiments publics n'ont pas encore été reconstruits. Il demeure cependant une grande pauvreté, de la violence, de l’illettrisme, du chômage, l'exode des élites intellectuelles (80 % des universitaires quittent le pays) et une précarité touchant la majorité de la population. Les infrastructures de santé sont largement insuffisantes, les hôpitaux mal équipés, le personnel mal payé et non motivé, sauf pour quelques structures privées non abordables pour le commun des citoyens.

    Quel sont les besoins sur place ? Comment s'organise MSF pour y répondre ?

    Sur le plan médical, Haïti manque de tout. MSF a mis en place des polycliniques et centres de traitement à différents endroits dans le pays, notamment : un Centre de Traitement du Choléra (CTC) à Port-à-Piment, une polyclinique dans le quartier très pauvre de Martissant, un Centre de Référence pour Urgences obstétricales (CRU) à Delmas, ainsi que le centre chirurgical de Tabarre (nom du quartier d'implantation), dédié exclusivement aux urgences chirurgicales, traumatiques et non-traumatiques.

    Quel rôle as-tu endossé sur place ?

    L’hôpital de Tabarre est de garde permanente et "tourne" 24h/24. Le débit des patients admis et traités est impressionnant par le nombre et surtout la grande complexité des lésions. Les 27 chirurgiens et 6 assistants ont tous bénéficié d'une excellente formation (en Haïti, à Cuba, au Venezuela), sont parfaitement autonomes, habitués à une forte charge de travail et font preuve de cohésion et de solidarité. 

    Malgré le haut niveau technique du personnel, les ressources restent forcément limitées.

    Mon rôle n'a donc pas consisté à enseigner les techniques chirurgicales, sauf pour certaines interventions d'exception. Mon expérience a plutôt servi à initier et animer des discussions portant sur la méthodologie, les approches et alternatives de traitement, et la faisabilité et justification de certaines procédures. Malgré le haut niveau technique du personnel, les ressources restent forcément limitées par rapport aux standards des pays occidentalisés, certaines procédures étaient donc impossibles ou trop coûteuses. J’ai aussi contribué à mettre l’accent sur l'importance d'un suivi opératoire rigoureux, d'une documentation sans faille, d'une parfaite traçabilité des gestes et d'une discipline dans la prise en charge des suivis de traitement.

    En quoi cette expérience est-elle différente de ta précédente expérience à Bili, en République démocratique du Congo ?

    À Bili, je travaillais dans l’hôpital d’un camp de réfugiés, situé au fin fond de la brousse, sans infrastructure, sans eau courante ni électricité. L’hôpital n’avait que très peu de personnel formé, et pas de chirurgien ni gynéco-obstétricien. Port-au-Prince, à l’inverse, est une très grande ville, l’hôpital est bien équipé (aux normes locales) et le personnel médical et paramédical est bien formé.  À Bili, mon travail consistait surtout à de la chirurgie basique alors qu’en Haïti je travaillais souvent sur des procédures de haute complexité. En bref, deux mondes que tout oppose, mais également  passionnants.

    Quelles sont tes impressions personnelles ?

    J’ai infiniment apprécié la possibilité d’apprendre à voir le monde sous d’autres perspectives. J’ai un respect et une admiration absolue pour le personnel local qui accomplit des exploits avec si peu de moyens, à Bili et en Haïti.

    J’ai un respect et une admiration absolue pour le personnel local qui accomplit des exploits avec si peu de moyens.

    J’ai aussi aimé faire partie d'une équipe multiculturelle. En Haïti, durant mon séjour, mon équipe était constituée, outre les Haïtiens, de chirurgiens de Chine, de Nouvelle-Zélande, du Mexique, du Congo, de l'Italie, de l'Allemagne et du Luxembourg. La notion d’universalité est impressionnante une fois sur le terrain !