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Cancer du col de l'utérus, MSF

Mozambique, Zimbabwe

Cancer du col de l'utérus : « Nous offrons bien plus que de l'espoir »

Un infirmier réalise un test pour dépister le cancer du col de l'utérus chez une patiente. Hôpital de Chitando, Gutu, Zimbabwe. Janvier 2020. © Nyasha Kadandara/MSF
Témoignages 
Dr Séverine Caluwaerts - Gynécologue obstétricienne
Le Dr Séverine Caluwaerts est une gynécologue-obstétricienne belge qui a travaillé avec MSF dans des projets de santé maternelle, notamment en Sierra Leone, au Burundi, en RDC et en Afghanistan. Aujourd'hui, elle raconte son expérience au sein des projets MSF au Mozambique et au Zimbabwe.

    « Il y a deux ans, je me suis rendue à Maputo, au Mozambique, pour assister l'équipe dans ses activités de dépistage du cancer du col de l'utérus, et l’aider à traiter les cas difficiles et à surmonter divers obstacles.

    Dans la capitale, MSF concentre ses efforts sur le dépistage des femmes séropositives, car ce sont elles qui courent le plus de risques de développer un cancer du col de l'utérus.

    Le taux d’infection au VIH au Mozambique est l’un des plus élevés au monde, et bien qu'une femme sur huit vive avec le virus, les traitements antirétroviraux ne sont véritablement accessibles que depuis quelques années.

    Aujourd'hui, le cancer du col de l'utérus fait plus de victimes à travers le monde que les complications de la grossesse et de l'accouchement.
    Dr Séverine Caluwaerts, gynécologue-obstétricienne MSF

    Toute la matinée, j’ai suivi les consultations de santé sexuelle et reproductive aux côtés des infirmières. Les patientes riaient de mon portugais hasardeux, mais je suis parvenue tant bien que mal à me faire comprendre.

    Les femmes consultaient pour diverses raisons dans cette clinique ; j'ai vu une vingtaine de femmes et de jeunes filles venir pour un test de dépistage du VIH, des questions de planning familial, une première visite de soins prénatals ou encore un dépistage du cancer du col de l'utérus.

    Lors d’une même visite, certaines patientes pouvaient se faire dépister le VIH et le cancer du col de l’utérus, et demander une solution de planning familial.

    Quand notre dernière patiente de la matinée, Maura*, 40 ans, est arrivée, j'ai immédiatement remarqué sa minceur et le gonflement des ganglions lymphatiques au niveau de son cou.

    « Benvindo Maura », lui ai-je lancé, « Sou doctora Séverine do MSF ». Elle m’a rendu un chaleureux sourire. L'infirmière a demandé à Maura pourquoi elle était venue à la clinique. « J'ai mal au ventre », a-t-elle répondu, « et il y a quelque chose de sale qui sort de mon vagin ».

    J’espérais qu’il s’agisse « seulement » d'une maladie sexuellement transmissible, de quelque chose de soignable. Mais pendant l'examen, l'infirmière et moi avons observé une grosse masse au niveau du col de l'utérus, qui se prolongeait dans le vagin. Un examen plus approfondi a révélé que cette masse s'étendait jusqu'à la paroi pelvienne.

    En 2018, 311 000 femmes sont mortes d'un cancer du col de l'utérus.
    Dr Séverine Caluwaerts, gynécologue-obstétricienne MSF

    Une fois qu’elle s’était rhabillée, nous avons conseillé à Maura de faire un test de dépistage du VIH. Elle a accepté et, comme nous le soupçonnions, le test s’est avéré positif.

    L'infirmière s’est assise avec Maura et lui a expliqué très gentiment qu'elle souffrait de deux affections graves : le cancer du col de l'utérus et le VIH. L'infirmière l’a rassurée en lui expliquant que nous ferions tout notre possible et qu'elle serait orientée vers la clinique de prise en charge du VIH et qu’elle pourrait commencer son traitement le jour même.

    Toutefois, étant inopérable, son cancer du col de l'utérus s’avère particulièrement difficile à soigner. Elle doit recourir à la radiothérapie pour avoir une chance de s’en sortir.

    Or, il n'existe pas d'unité de radiothérapie au Mozambique, donc les patientes sont adressées à des hôpitaux en Afrique du Sud, mais en réalité, ce système ne fonctionne pas, car les distances sont trop importantes, et le transfert trop coûteux et trop complexe.

    Il y a deux ans, j'ai pris Maura dans mes bras, lui ai souhaité le meilleur et suis rentrée chez moi avec un vrai sentiment de malaise. Les graves problèmes de santé de Maura étaient en grande partie évitables. Si seulement elle avait pu faire son test de dépistage du VIH plus tôt. Si seulement...

    Aujourd'hui, le cancer du col de l'utérus fait plus de victimes à travers le monde que les complications de la grossesse et de l'accouchement.

    En 2018, 311 000 femmes sont mortes d'un cancer du col de l'utérus. Il s'agissait pour la plupart de femmes vivant dans des environnements à faibles revenus et bénéficiant, pour des raisons financières, culturelles ou géographiques, d’un accès limité à des soins médicaux de qualité.

    Ce chiffre devrait encore augmenter dans les années à venir, mais ces décès continuent d’être passés sous silence. Le pire, c'est que les outils de prévention, notamment le vaccin contre le virus du papillome humain (VPH) et les traitements tels que la cryothérapie (congélation du col de l'utérus), sont disponibles et, pour ce dernier, tout à fait abordables.

    En juillet dernier, je me suis rendue au Zimbabwe où MSF gère un programme de dépistage et de traitement du cancer du col de l'utérus en collaboration avec le ministère de la Santé et de la Protection de l'enfance. Le dépistage est disponible au sein de six cliniques où les femmes peuvent également recevoir des conseils de planning familial, un test de dépistage du VIH et un traitement le cas échéant.

    L’année dernière, l'équipe a dépisté 5 751 femmes dans le district de Gutu, et nous suivons désormais 75 pour cent des femmes dans cette zone.

    Nous menons des activités de promotion de la santé au sein de la clinique et nous avons investi dans la technique d'excision électro-chirurgicale à l’anse pour être en mesure de mieux soigner les lésions précancéreuses détectées par IVA (inspection visuelle du col de l'utérus à l'acide acétique).

    En vaccinant les jeunes filles, en proposant un dépistage et un traitement sur place, nous offrons bien plus que de l'espoir.
    Dr Séverine Caluwaerts, gynécologue-obstétricienne MSF

    Ces activités ont porté leurs fruits. Année après année, davantage de femmes viennent se faire dépister et nous détectons de moins en moins d'anomalies.

    Cela s'explique peut-être par le fait que plus de femmes se font dépister plus tôt, que nos équipes mènent des activités de sensibilisation et que le personnel est mieux formé à l’identification des anomalies. Nous savons également qu'un traitement efficace du VIH sur le long terme contribue à l’éradication spontanée des lésions précancéreuses.

    L'année dernière, à Gutu, MSF a également mené une campagne de vaccination contre le VPH dans les écoles auprès de filles de 9 à 10 ans, et fourni des vaccins pour mille jeunes filles et jeunes femmes séropositives de 15 à 26 ans. Grâce à ces mesures, cette population de patientes vulnérables devrait être protégée à vie contre le papillomavirus humain.

    En vaccinant les jeunes filles et en proposant un dépistage et un traitement sur place, nous offrons bien plus que de l'espoir ; nous empêchons le cancer du col de l'utérus d’évoluer afin que davantage de femmes comme Maura aient une chance de survivre.

    Mais il reste encore beaucoup à faire.»

    *Le nom de la patiente a été modifié à des fins de confidentialité.